méfier (se)

méfier (se)

⇒MÉFIER (SE), verbe pronom.
A. — Qqn1 se méfie de qqn2. Se tenir en garde contre quelqu'un, ne pas faire confiance à quelqu'un. Se méfier de qqn comme de la peste. Tous les récits que j'entends se contredisent; ce qui m'amène à me méfier de tous et de chacun (GIDE, Voy. Congo, 1927, p.694):
1. ... je lui dis: «Albertine, vous vous méfiez de moi qui vous aime et vous avez confiance en des gens qui ne vous aiment pas» (comme s'il n'était pas naturel de se méfier des gens qui vous aiment et qui seuls ont intérêt à vous mentir pour savoir, pour empêcher)...
PROUST, Prisonn., 1922, p.120.
B. — Qqn se méfie de qqc. Se tenir en garde contre quelque chose, se défier de quelque chose. Les gens de toute sorte, bourgeois, ouvriers et soldats, avaient l'air inquiet; chacun se méfiait de quelque chose (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, 1870, p.249). Je ne me méfiais de rien... Je croyais qu'il était pour elle un camarade... un compagnon de travail... comme pour moi... (...) Ah, ce qu'elle m'a bien trompé avec ses airs de franchise! quelle duplicité! (MARTIN DU G., Taciturne, 1932, III, 9, p.1342). Me méfier des mots et de leurs pouvoirs magiques, m'attacher seulement à quelques-uns d'entre eux (...) peu parler (...) m'appliquer toute ma vie à réaliser mes promesses: voilà ce que me propose la morale de Parain (SARTRE, Sit. I, 1947, p.225).
[Le compl. prép. désigne un comportement ou un contenu de conscience] Lamiel vit la nécessité de raconter son histoire à Mme Le Grand, mais pour cela il fallait la composer; elle se méfiait de son étourderie; elle était hors d'état de mentir, parce qu'elle oubliait ses mensonges (STENDHAL, Lamiel, 1842, p.170). On se méfie des illusions d'une femme aimante (VAILLANT, Drôle de jeu, 1945, p.27).
Se méfier de + inf. Il devait se méfier de ne pas buter contre les jambes, tendues au ras des sentiers (ZOLA, Germinal, 1885, p.1240). On restait derrière nos persiennes... On surveillait les abords... On se méfiait d'être à la «brune» ajusté par un paysan (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.611).
Se méfier que + ind. ou subj. J'aurais dû me méfier que l'air de la mer, précieux en ce qu'il pousse aux crises (...), m'était dans l'espèce détestable (BARRÈS, Homme libre, 1889, p.213). Elle ajoutait foi à mon intention simulée de nous séparer à tout jamais ce soir. Elle avait l'air de se méfier que la cause en pût être chez les Verdurin (PROUST, Prisonn., 1922p.349). Monsieur Lempreinte, il se méfiait que mon père il aye des drôles d'ambitions avec un style comme le sien (CÉLINE, Mort à crédit, 1936p.58).
Proverbe. Il faut se méfier (méfier-vous) de l'eau qui dort. Il faut se méfier d'une personne dont les manières d'être ou de faire n'inspirent pas a priori ou de prime abord la méfiance.
C. Absol. Être sur ses gardes, faire attention. Comme il avait réellement failli mourir, il y avait de quoi se méfier pour tout le reste de sa vie (NIZAN, Conspir., 1938, p.250). Depuis trois semaines, le hasard nous est favorable, mais c'est une raison de nous méfier, car le simple calcul des probabilités joue déjà contre nous (AYMÉ, Uranus, 1948, p.274):
2. Avec les mots on ne se méfie jamais suffisamment, ils ont l'air de rien les mots, pas l'air de dangers bien sûr, plutôt de petits vents, de petits sons de bouche, ni chauds, ni froids, et facilement repris dès qu'ils arrivent par l'oreille par l'énorme ennui gris mou du cerveau. On ne se méfie pas d'eux des mots et le malheur arrive.
CÉLINE, Voyage, 1932, p.601.
Méfiez-vous! Méfie-toi! [Avertissement donné pour mettre en garde qqn contre un danger éventuel ou probable] «Vous ne mettez rien sur vous, amie?» s'écria Jérôme. «Méfiez-vous, il fait bien moins chaud ce soir que les autres jours.» (MARTIN DU G., Thib., Belle sais., 1923, p.984). Méfie-toi: y a une truie qui mord, donne-lui à manger sans entrer, c'est la noire (GIONO, Baumugnes, 1929, p.50). Dans les métros et les tramways on lisait: «Taisez-vous, méfiez-vous, les oreilles ennemies vous écoutent.» (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p.31).
Rem. gén. Sur la concurrence entre se défier et se méfier, v. défier2 (se), rem.
Prononc. et Orth.: [mefje], (il se) méfie [mefi]. Ac. 1694, 1718: meffier; dep. 1740: méfier. Étymol. et Hist. 1. Ca 1460 «se tenir en garde contre les intentions de quelqu'un» (GEORGES CHASTELLAIN, L. I, p.22, éd. Kervyn de Lettenhove); 2. 1690 «se tenir en garde contre quelque chose» (FUR.); 3. 1840 absol. (MÉRIMÉE, Colomba, p.90: Mais méfiez-vous, je ne vous dis que cela). Dér. de fier; élém. formant mé-. Fréq. abs. littér.: 1130. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 447, b) 1213; XXe s.: a) 1667, b) 2769.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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